10 juil.

La Canne de Mobutu : Symbole de Pouvoir et de Tradition en RDC

À Kinshasa, l'image de Mobutu est indissociable de sa célèbre toque de léopard et de sa canne. Qu'elle soit en bois ou en ivoire, cette canne incarnait bien plus qu'un simple accessoire : elle symbolisait son autorité et sa sagesse.


André-Alain Atundu Liongo, qui fut le dernier chef des renseignements sous Mobutu, se souvient d'un moment révélateur de cette transformation. En revenant d'une tournée où il fut présenté pour la première fois à Mobutu, ce dernier, détendu dans l'avion, retirait son costume. Cependant, dès l'atterrissage, il remettait son costume, sa toque et sa canne. « C'était un autre homme. Il ne blaguait plus. Il revêtait et incarnait l'autorité. La canne, c'est l'autorité et la sagesse », explique Atundu Liongo.

Pour ce proche collaborateur, la canne était un véritable baromètre des émotions de Mobutu. « Lorsqu'il était debout, qu'il nous attendait avec impatience, il toquait sa canne. Lorsque la canne était sur la table, il était mécontent. Ça servait aussi à indiquer ses états d'âme », ajoute-t-il.



La Canne : Un Symbole Coutumier et Mystique au Congo

Au Congo, la canne n'est pas seulement un emblème politique ; elle est profondément ancrée dans les traditions coutumières et mystiques. Généralement taillée d'un seul bloc de bois, elle est choisie avec soin. Jean-Paul Kwungusugu, un chef coutumier du Haut-Lomami, précise : « Les traditions dans la chefferie... Il y a un arbre précis que l'on détermine. Ça n'est pas n'importe quel arbre. Il détient une force naturellement. » Il ajoute que, lorsque le président de la République reçoit ces attributs des chefs coutumiers, c'est pour signifier que « le président de la République n'est pas simplement présent par la constitution, les ancêtres sont avec lui. D'ailleurs, c'est ce qui a favorisé les dictatures. »


La canne a sans doute contribué à faire de Mobutu le "roi du Zaïre" pendant plus de 30 ans. Mais au-delà de son pouvoir personnel, elle a également servi à promouvoir la culture congolaise au lendemain des indépendances. Placide Mumbembele, professeur de politique mémorielle, souligne : « Au retour, il se comportait non seulement comme un chef d'État moderne, mais comme un chef traditionnel. Cela s'est davantage consolidé avec sa politique de recours à l'authenticité, afin de pouvoir, comme il le disait lui-même : être soi-même, c'est-à-dire être Zaïrois, avec toutes ses traditions. »


Selon ses proches, Mobutu possédait une trentaine de cannes. Toutes sont actuellement conservées au Maroc, auprès de sa veuve, affectueusement surnommée "maman Bobi" par les Congolais.